La “montagne des Walser” dans un refuge au dessus de Gressoney.
Le Mont Rose peut se considérer comme étant la “montagne des Walser”. A partir du XIII siècle des populations arrivant du Valois se firent montagnardes et devinrent colons des “terres hautes” dans les Alpes, d’ouest en est. Ils ouvrirent de nouvelles voies de communication pour se déplacer de vallée en vallée, ils transformèrent patiemment ce monde alpin aride et rocheux et ses terres les plus hostiles, en un monde habité, à échelle humaine. Ils en firent un laboratoire pour une nouvelle culture centrée sur un mode de vie propre aux gens qui vivent et qui sont de la montagne. Cette aventure des Walser commença autour du Mont Rose. Horace Bénédict de Saussure la définit “la sentinelle allemande” du Mont Rose. Gressoney et Issime furent parmi les plus importants centres de cette admirable “civilisation” des Alpes.

La tradition Walser dans l’hospitalité moderne.
Comme leurs pères colonisèrent les hautes alpes, leurs descendants, Oreste et Arturo Squinobal, ont voulu construire, en parfaite harmonie avec la traditionnelle architecture “Walser”, un refuge pour héberger et assister les alpinistes dans leurs excursions en moyenne et haute montagne vers les glaciers et les cimes du Mont Rose, de la Pyramide Vincent et du Lyskamm. Le choix du site, des procédés de fabrication, de l’emplacement du futur refuge, des matériaux de construction, tous ces critères ont été soigneusement choisis afin d’intégrer parfaitement cet ensemble dans le pur respect de la nature (le refuge est totalement autosuffisant du point de vue de l’approvisionnement en eau et de la production d’énergie grȃce à l’installation de panneaux solaires). Tous ces aspects reflètent la tradition Walser et s’harmonisent parfaitement avec les technologies modernes: de l’illumination, du chauffage et des sanitaires. La construction du refuge a été réalisée par la famille Squinobal en trois ans d’intense travail, continuant l’ɶuvre initiale d’Oreste.

Le bois, connaissance de la nature.
A peine se trouve t-on en face du refuge, l’on devine immédiatement qu’il a été conçu pour intégrer le savoir-faire antique et naturel du bois (le mélèze des forets du Mont Rose, ses parfums, ses nɶuds, ses veines qui s’encastrent à “block-bau” pour soutenir les angles du refuge). La nature a ainsi trouvé dans l’ɶuvre de l’homme, la réalisation d’un lieu où règne la mémoire de ce savoir-faire. Un itinéraire enchanté, pour sa flore alpine et pour la diversité de ses panoramas spectaculaires au chevet de l’imposante Pyramide Vincent et de ses “cornes” rocheuses comme celle “Rouge” et celle “du Chamois” dominant le glacier d’Indren, vous portera au refuge. On y monte en suivant des sentiers empruntant les anciens itinéraires d’alpage (comme en témoignent de vieux vestiges, tels que le pont en pierre sur le sentier 6 et les grandes meules du moulin où l’on travaillait la pyrite aurifère provenant du Stolemberg) Déjà, dès les premiers assauts vers la Pyramide Vincent on devine, là, nichée dans ces replis rocheux, une “maison” en parfaite harmonie avec la tradition Walser prȇte à vous transporter dans une autre époque, dans un autre monde, où règne l’esprit montagnard.

Le mousqueton du souvenir.
Le refuge Orestes Hütte est dédié à la mémoire de Oreste Squinobal. Oreste Squinobal (1942-2004) avec son frère Arturo Squinobal ont formé une cordée qui dans les années 1970-1980 s’est imposée parmi les plus expérimentées et les plus préparées d’Europe. Ensemble il réalisèrent, entre-autres, quelques unes des “premières hivernales” d’extrȇme difficulté telle que la « voie directe » de la paroi sud du Cervin-Matterhon en 1971, la cime intégrale du Peutérey au Mont Blanc en 1972, “la voie directe” à la pointe Signal-Gnifetti du Mont Rose en 1978 et toujours dans la mȇme année, la paroi ouest du Cervin-Matterhorn. Ensemble, avec leur frère Renzo, ils gagnèrent en 1975 le trophée Mezzalama . En 1982 Oreste atteint le sommet du Kanchenjunja (m. 8596) sans oxygène et en pur “style alpin”. De ces hommes “Walser”, de personnalité complexe, Oreste en représentera le parfait exemple. Lui aussi, montagnard doté d’une forte personnalité, est élevé et confronté, dès sa plus tendre enfance, à la dure réalité de la ruralité montagnarde. Il devient artiste ébéniste, expert charpentier, habile constructeur et guide alpin (comme ses ancȇtres Johan, Niklaus, Peter-Joseph Knubel e Antonio Curta) et enfin grand alpiniste. Accroché dans le mousqueton du souvenir comme la stèle d’une fleur de montagne il y a son sourire, son regard pénétrant et profond, son enthousiasme vibrant et enchanteur, tel le son d’un solo de trompette exécuté comme il avait l’habitude de le faire “la haut” dans le vent des 4000 mètres.

Testo prof. Luigi Zanzi
On remercie Katherine Vidal pour la traduction.